Les dessous de l’image
Par Hervé Sentucq
Les ponts fascinent. Passerelles entre deux mondes, espoir d’un changement, ils titillent nos instincts primitifs d’explorateurs, curieux de savoir ce qui existe de l’autre côté. Me voilà de bon matin devant celui-ci en poutre en treillis avec tablier inférieur. A jouer avec les ombres portées qui s’ajoutent aux lignes de sa structure. Effet de perspective, fragmentation de l’image, dessins… ce pont est la super star de l’image. En l’empruntant du regard on découvre son superbe écrin, à droite la Dordogne jonchée d’herbiers à renoncules fleuries, les berges de petits galets, au loin les falaises de Pinsac…
La prise de vue ne fut pas aisée. Car ce pont n’est pas bien large, son rebord piéton de 30cm de large nécessite de s’accoler à la rambarde en cas de passage de véhicule et même de pencher la tête dans le vide lorsqu’un gros camion vient à passer. Pratique quand comme moi on soigne sa composition au mm près et qu’on doit réaliser 6-7 images pour englober le champ souhaité. Autant dire que j’y m’y suis repris à maintes reprises vu la circulation importante. Placer la rambarde droite pour créer le bon niveau d’effet de perspective m’a bien occupé, entre autres.
Regards amusés de la plupart des conducteurs de voitures qui observaient mon repli précipité sur la mince zone de sécurité. J’ai fini par faire tomber la housse de mon trépied et j’ai du me jeter à l’eau (mais après être descendu sur la berge je vous rassure).
Et c’est du… 180 degrés. Panini, what else ?
Cette projection quasi inconnue est ma préférée dès que je cadre plus large que 80-90°.
La projection plane (droite, rectilinéaire) peut convenir jusqu’à 105° (parfois même 120°). Mais tout ce qui sort du champ de 80° est étiré. A 90° c’est léger et habituel (effet grand angle), à 105-120° ça commence à faire hérisser les poils de certains (effet ultra-grand-angle), au delà c’est… ridicule.
180° en projection plane, séance stretching
Les logiciels proposent donc par défaut la projection cylindrique pour tout champ cadré englobant plus de 100°. Les droites deviennent ainsi toutes des courbes. Imaginez une photo épousant la courbe d’un cylindre. Vous vous placer à distance dans son axe médian et voyez un paysage d’apparence non déformé, droit, plan… Reprenez en main la photo et remettez la à plat. Tout se courbe alors. C’est pourtant la projection choisie par l’ensemble des photographes s’essayant au panoramique.
180° en projection cylindrique, quand tout part en sucette
Je ne mange pas de ce pain et préfère le panini… l’effet bien sûr. Projection pseudo-rectilinéaire inventée par le peintre du même nom qui s’en est tenu là pour donner son patronyme (si c’est ce que vous vous demandiez).