Les dessous de l’image
Par Hervé Sentucq
Passage par la Charente cette fois-ci. Saperlipopette que ce bassin est grand, y’a de quoi se promener.
J’entre dans l’église souterraine Saint-Jean, creusée au XIIe, pour abriter des reliques dans une centaine de fosses (non visibles sur l’image) et dans un reliquaire d’une hauteur de 6m. La forme de ce dernier s’inspire de celle du Saint sépulcre découvert à Jérusalem lors de la première croisade. Réalisé par évidement de la paroi calcaire, la plus haute église monolithe de France, aux dimensions impressionnantes (20m de haut), a vu se recueillir d’innombrables pèlerins en route pour Compostelle.
Agnostique ou croyant, préparez-vous à une intense émotion en pénétrant cette vaste nécropole… une lumière étrange, des passages et des promenades sous la voute, un lieu magique extraordinaire.
Je commence par peaufiner l’emplacement idéal pour mon trépied, tout en haut, sous une arcade, au bord du vide… en ayant préalablement ficelé et arrimé mon trépied au cas où… Pendant que je cale la mise au point pour une profondeur de champ optimale ainsi que l’exposition (fichtre y’a des écarts importants), je n’oublie pas de saisir les visiteurs de passage, surtout lorsqu’ils semblent se recueillir face au reliquaire, sujet occupant une place centrale dans mon image. Centrale comme primordiale car je vais le décentrer 😉 pour des raisons d’étalement maximum des colonnes de pierres. Une personne en soutane me fera le plaisir de venir prier quelques instants. Je pourrais ainsi donner l’échelle du site. Bon c’est peut-être simplement une femme avec une robe sombre avec un audioguide à l’oreille mais… on va rester sur l’idée du méditant venu communier avec la tranquillité et la beauté des lieux… car ça pose mieux !
Pour avoir suffisamment de champ vertical (hauteur) et garder ma fenêtre 1 par 3, me voilà à englober près de 130° en largeur. Vu la position du boîtier on remercie l’existence de la visée d’écran. Je ne me serai pas vu accroupi sous une arcade au bord du vide… Découper l’image par des lignes verticales renforce la sensation d’espace. Et les cadres dans les cadres le cerveau humain ça il aime bien. J’ai gardé les zones de flou sur les extrémités gauche et droite. Pour rester avec le fonctionnement du cerveau, celui-ci s’attend naturellement à voir une certaine mollesse sur les bords d’une image large voire du flou quand on est trop près du sujet. C’est inhérent à l’histoire de la photographie, à ce qu’on s’attend culturellement à voir sur un visuel. J’ai joué de ça, des éléments de perspectives, du point de fuite, de l’alternance des zones sombres et lumineuses, des variations de teintes… pour reproduire cette dimension qui manque si cruellement à une photo, cette 3e dimension qu’on nomme la profondeur. Pour la 4e dimension, onirique 😉 elle découle de toutes mes décisions sur place et en post-traitement, sa « visibilité » n’est jamais assurée mais j’y travaille de toutes mes forces à chaque image.
FAQ :
Aubeterre, Albaterra, signifie « Blanche terre », référence au roc calcaire qui domine le bourg.
Le vert sur les murs, ce n’est pas dû à l’éclairage, c’est de la mousse. Et le gris… de la terre (noire dans l’obscurité).