Les dessous de l’image
Par Hervé Sentucq
La vallée préhistorique de la Vézère ! On lui associe de tels superlatifs qu’on hésite à la dépeindre photographiquement. Il va falloir envoyer du lourd de créativité. Premier site auquel je m’attaque, Tursac, dont le gisement de la Madeleine a donné son nom à une époque de la préhistoire : le Magdalénien. Et oui on n’est pas en train de parler de la recette de chocolatine de tante Jeanine connue à 10 km à la ronde. Beaucoup de sites de cette vallée sont connus mondialement. Lascaux, Les Eysies, Rouffignac…
A mi-hauteur de la falaise, le village troglodytique de la Madeleine, aménagé par l’homme et probablement habité du Moyen Âge jusqu’à la fin du XIXe siècle. Et bien sûr sa chapelle gothique accrochée à la falaise. Photographier le site de la falaise ne me paraissait pas une riche idée. Aussi décidai-je de rejoindre la rive opposée. La boucle accueille le Château de Marsac et ce qu’on m’avait décrit comme un hameau… Objectif rejoindre ce hameau en essayant de ne pas emprunter les chemins privés. A force d’entêtement et d’aveuglement (c’est fou comme on finit par ne plus voir ces panneaux quand la fatigue gagne et que l’heure idéale d’éclairement s’approche de la fin), et après une demi-heure à courir avec mon lourd barda photo, le trépied sur l’épaule… j’arrive in extremis en face du site. La végétation gagne et la fenêtre d’observation n’est pas assez large. Dans les ronces je descends tant bien que mal jusqu’à la rivière, me déchausse et m’offre un bain de boue bien spongieux. Les conditions sont grandioses. Il me faut une projection parfaitement plane pour restituer la paroi verticale qui me fait face. 90° c’est le maximum, ensuite les bords paraîtraient étirés. Avec cet angle je peux juste inclure un peu de rivière, comme une suggestion : « elle est là ». Je ferme l’image de chaque côté par des branches, l’attention doit rester sur les abris sous roche. Éclairage on ne peut plus latéral. J’enchaîne avec un cadrage plus large mais déjà la falaise à gauche de la chapelle commence à s’assombrir. Waouh ! Quand je n’ai pas bougé depuis 5 minutes (et que j’ai l’impression d’avoir les pieds pris dans le béton) alors j’ai même droit à un reflet parfait de la paroi dans l’eau.
Dans un état un peu piteux je repars, arrivant quand même à me faire prendre en stop jusqu’à ma voiture… par le gardien du site qui m’apprend qu’en fait tout le site est privé et que le hameau est en fait un ensemble locatif géré par le château… Glourps ! Rassurez-vous ‘Higgins’ ne m’a pas envoyé les dobermans Zeus et Apollon (référence à Magnum, je dis ça pour les bien plus jeunes que moi, hum…) J’ai au contraire pu disserter avec le gardien qui a fort à faire croyez-moi. Car c’est grand, extrêmement bien entretenu, je me suis cru en Suisse à un moment c’est dire. Et il m’a donné son téléphone pour que je passe par le portail principal la prochaine fois. C’est très gentil mais j’hésite. Je pourrais aussi essayer de des-escalader la falaise du site troglodytique… non je plaisante, on m’a dit que ça serait vraiment pas simple.