Les dessous de l’image
Par Hervé Sentucq
C‘est une atmosphère de contrée énigmatique. Dissimulée dans une petite forêt, des failles profondes et sombres entaillent une falaise de lave. La roche déchiquetée semble avoir été victime d’un couteau géant, taillant au hasard. Les gens du coin ont appelé l’endroit « les Tranchades », comme tranchées. Un lieu à couper le souffle ! De vieux arbres viennent s‘y échouer dans un chaos surréaliste. De l’eau goutte et ruisselle en permanence, favorisant l‘envahissement des crevasses par une exubérante végétation : incroyables épaisseurs de mousse, fougères immenses, lianes folles…
Voici un des lieux les plus sauvages de France, un labyrinthe sombre et silencieux quasi inconnu où je retourne en pèlerinage régulièrement. Autrefois balisé on y amenait des classes de Condat. A notre époque du risque zéro, le lieu est « interdit »* donc fréquenté par les amoureux, les aventuriers et les fous 😉 Une seule tranchée surnommée « l’autoroute » est empruntée par les rares personnes qui trouvent l’entrée. Les parois tombent à pic, jusqu’à 30 mètres de profondeur, et se resserrent, parfois, à 1 mètre de largeur. C’est de la balade engagée, on gravit les éboulis, on se faufile, on enjambe les troncs d’arbres. L’eau qui suinte de la pierre sur les éboulis branlants rend chaque pas périlleux. Chaque descente dans une tranchée a sont lot d’impasses et l’on peut mettre du temps à trouver la sortie.
J’adore ce chaudron glacé et humide. La nature des origines, avant que l’homme aménage tout, devait ressembler à ça. Une jungle folle et calme. Un silence abyssal, percé par de rares cris d’oiseaux et les petits vrombissements des moustiques. On s’attend à croiser à tout moment Indiana Jones. Moins inaccessibles que les Tépuis du Vénézuela, ce chaos surréaliste se trouve en plein Cantal. Je le déconseille aux personnes sujettes au vertige et à la claustrophobie (surtout s’il ne sont pas très bon en orientation). Avec l’effet du stress on pourrait paniquer et se mettre en danger. A l’inverse j’ai un ami qui s’y rend comme moi régulièrement et apprécie de camper sur l’un des innombrables mini plateaux entouré de tranchées donc de vide.
Pour capter ce microclimat propice au vert et aux rêves il me fallait un site qui soit un saisissant raccourci des tranchades. A vrai dire c’est impossible tellement nombreuses sont les ambiances. Cette image couvre 210° et a été prise avec 3 photos au fisheye. Les passages sont étroits et ne permettent pas de prendre du recul. Cela nécessite par conséquent de cadrer large pour restituer un peu de la sensation d’espace ressentie sur place. Après, même sans espace, cette technique (d’assemblage au fisheye) permettrait de donner des airs de salons à vos toilettes… Pour donner l’échelle à ce lieu tolkienien, c’est mézigue, avec une veste bleue et un chapeau de paille. Je sais bien qu’une image ne peut pas restituer cette contrée. Ce texte est donc là pour aider au transport.
Commune : Saint-Amandin, tout proche de la confluence de la Santoire et de la Grande Rhue
Visite : entrée libre et gratuite, sortie… si vous la trouvez. Bah je plaisante !
* Vous ne trouverez aucun panneau. Les tranchades reposent en partie sur des parcelles privées mais rien n’en fait état. Pour la commune, officiellement elles n’existent pas.
Cette image englobe 260°, j’ai utilisé un 24mm, une rangée de photo en haut, une autre en bas, 17 images en tout, de la pure folie en adéquation avec le site. La 3D me semble impossible à restituer. On voit bien l’étroit chemin d’où je viens. Mais pas la descente raide situé juste après les fougères devant moi. Ce que vous voyez à droite de l’arbre tombé ce sont bien les falaises encadrant le chemin mais entre les fougères sur le sol et les parois c’est le vide, plusieurs mètres. Avec une chemise blanche c’est encore bibi. A moins d’amener quelqu’un vous ne verrez personne dans cet endroit.