La fin du mois de juillet marque en général la fin de la période de remontée des poissons migrateurs qui remontent le cours de la Dordogne depuis l’océan. C’est donc le moment de tirer un premier bilan des migrations pour cette saison 2018.
Une situation encourageante pour l’Anguille européenne
Plus de 100 000 anguillettes ont été observées à la station de comptage du barrage de Tuilières, d’après les chiffres communiqués par l’association Migrateurs Garonne Dordogne (MIGADO). C’est un chiffre qui n’avait jusqu’ici jamais été atteint, les meilleures remontées n’ayant pas dépassé 47 000 individus en 2010.
Est-ce le signe d’une amélioration ? On peut imaginer voir dans ces bons chiffres les premiers résultats du plan de restauration engagé depuis 2008 par la France et les autres pays européens, avec notamment des restrictions prises sur la pêche de l’anguille et des obligations d’équipement sur les centrales hydroélectriques pour limiter la mortalité des anguilles qui dévalent vers la mer.
Sur la Dordogne, rappelons que la pêche de la civelle est désormais soumise à des quotas et que la pêche nocturne à la ligne de l’anguille a été interdite. La centrale hydroélectrique de Tuilières est mise à l’arrêt durant les nuits de pics de dévalaison de septembre à février, et plusieurs microcentrales de la Dronne, de la Vézère et de la Cère ont été équipées de grilles fines destinées à protéger les anguilles pendant leur migration de dévalaison.
Ces bons chiffres sont peut-être aussi la conséquence d’un printemps pluvieux, qui a entrainé des débits importants
Anguille européenne © Louis Marie Preau
dans les fleuves et qui a favorisé les migrations. La réponse définitive nous sera probablement fournie par l’observation des années à venir avec la confirmation ou non de cette tendance à la hausse des chiffres de remontée des anguilles.
Pour le Saumon, le bilan est plus mitigé
Saumon atlantique © Hans-Petter Fjeld
Près de 500 saumons ont franchi le barrage de Tuilières, avec une proportion importante de grands individus mesurant plus de 75 cm. C’est un chiffre plutôt bon par rapport à ces dernières années, mais qui reste encore très modeste par rapport aux 2 000 à 5 000 saumons qui constituent l’objectif du plan de restauration de cette espèce sur la Dordogne.
Des migrations sont encore possibles cet automne, lorsque les températures de l’eau redeviendront plus fraîches, mais
l’essentiel des remontées est certainement déjà passé. Les chiffres communiqués par MIGADO révèlent un point de préoccupation toujours très présent : le franchissement trop difficile du barrage de Mauzac, situé en amont de celui de Tuilières : seulement la moitié des saumons passés à Tuilières sont parvenus à franchir Mauzac. Pour remédier à ces difficultés, EDF a prévu la construction en 2019 d’une seconde passe à bassins au niveau du barrage de Mauzac. Ce nouvel équipement devrait permettre d’améliorer nettement la situation à Mauzac..
Très faible activité migratoire pour la grande alose et la lamproie marine
En ce qui concerne la grande alose et la lamproie marine, les effectifs sont malheureusement toujours extrêmement faibles depuis plusieurs années. La saison 2018 n’y fait pas exception, malgré l’arrêt total de la pêche de l’alose depuis 2008. Les raisons de cet effondrement des populations ne sont toujours pas expliquées. Beaucoup d’hypothèses sont formulées : dérèglement du cycle des espèces en mer, problèmes de la qualité des eaux provenant de la Garonne et de l’estuaire, raréfaction des ressources alimentaires en plancton pour les alosons, prédation par les silures, etc., mais aucune démonstration n’est véritablement avérée.
Lamproie Marine © EPIDOR
Des voies d’amélioration
Les efforts sont donc encore nécessaires pour améliorer la situation des poissons migrateurs, espèces fascinantes mais très sensibles. EPIDOR a identifié plusieurs voies de travail qui pourront apporter des améliorations importantes, concrètes et rapides : continuer d’améliorer les conditions de franchissement des barrages de Bergerac, Tuilières et Mauzac, favoriser la pêche et la valorisation du silure par la pêche professionnelle et améliorer la qualité des habitats de reproduction (les frayères) qui souffrent d’un manque de graviers dans les secteurs situés au pied des barrages. L’établissement travaille en priorité sur ces sujets et mobilise dans ce cadre des partenariats avec l’Etat, EDF, les pêcheurs, l’association MIGADO, l’Agence de l’Eau Adour Garonne et les Régions.