Les premiers ponts de la Dordogne
Depuis que l’homme s’est installé dans la vallée de la Dordogne, il n’a eu de cesse de la traverser par tous les moyens à sa disposition. Zone de frontière par endroit, la Dordogne a aussi longtemps représenté un moyen de communication majeur entre les territoires, en particulier entre la haute vallée montagneuse et sauvage et les plaines du Quercy, du Périgord et de Gironde. D’emblée, les hommes ont voulu la traverser, pour rejoindre l’autre rive où les prés semblaient plus verts, où les échanges étaient possibles, où le commerce allait naître. Dès la préhistoire à l’aide de gués, de troncs d’arbres, de chaussées de pierres assemblées, mais aussi à la nage lorsque la technique s’avérait inadaptée, l’homme a bravé l’inconnu et a cherché l’aventure en se confrontant aux rivaux (ceux de l’autre rive…).
Au Moyen âge les techniques apportées par les Romains se sont développées et les premiers ponts en pierre sont apparus dans le haut pays. La configuration de la moyenne vallée, qui permettait la divagation du fleuve au gré des crues, a été un frein au développement de ces constructions. Ces dernières n’ont été possibles que beaucoup plus tard et dans des sites adaptés. Des structures en bois ont été édifiées, notamment à Domme, mais les vicissitudes naturelles de la rivière dans ce secteur de plaine les ont menées invariablement à une ruine rapide.
Le premier des ponts de la Dordogne digne de ce nom fut édifié à Bergerac vers 1209 avec des piles et des voûtes en pierre complétées par des travées de bois et un système de défense capable d’en interdire l’accès. Mainte fois réparé et modifié il a tenu près de six siècles ! Mais sa résistance au libre écoulement des eaux de par son grand nombre de piles provoquera sa ruine complète lors de la grande crue historique dans la nuit du 7 au 8 mars 1783. Bergerac dut rester quarante deux ans sans pont au grand bénéfice du développement des bacs.
Les bacs, un préalable aux ponts de la Dordogne
Pendant des siècles les bacs étaient les seuls moyens de traverser la Dordogne pour les hommes, les animaux, les produits agricoles ainsi que les produits manufacturés. Ils ont été un complément au trafic des gabarres reliant l’amont et l’aval. Les derniers bacs ont disparus dans les années 1960, et seules subsistent aujourd’hui les maisons des passeurs. Pratiquement à chaque emplacement de pont actuel existait un bac, ce fut d’ailleurs longtemps la première raison de l’édification d’un pont puisque les liaisons terrestres s’étaient organisées autour des bacs, alors lieux d’échanges.
Les premières campagnes de construction de pont ont été tardives sur la Dordogne (début du XIXe siècle) et concernaient préférentiellement les zones de plaine, plus propices aux commerces. On peut nommer notamment Argentat, Domme, Bergerac, Libourne et Cubzac-les-ponts où se trouvait le grand passage de la route Bordeaux Paris. Elles reposaient essentiellement sur deux techniques : les ponts suspendus à câbles et les ponts en maçonnerie de pierre. D’abord, ces deux techniques ont été en concurrence jusqu’à ce que les ponts suspendus l’emportent grâce à un coût de construction plus faible. L’extension du réseau routier puis du rail dans la seconde moitié du siècle ont concouru à la multiplication du nombre d’ouvrages dans un laps de temps relativement court.
A partir de 1825, date de la mise en service du pont de Libourne, magnifique réplique du pont de Pierre de Bordeaux, pauis avec la construction du pont Marie à Argentat, sous l’impulsion des inventeurs Marc Séguin et Louis Vicat, le fleuve se voit doter d’une trentaine de ponts, suspendus pour la plupart, sur une période inférieure à trente ans !
La période des grands ouvrages
Viendront ensuite les grands ouvrages proches de l’embouchure à Cubzac les ponts, la bien nommée. Un premier pont suspendu a été construit en 1839 afin de remplacer les bacs en place depuis des siècles à cet endroit. Ce pont suspendu a marqué son époque par l’utilisation de nouvelles techniques de câblage et de fondation ainsi que par les dimensions importantes de l’ouvrage dans un secteur où le cours d’eau atteignait plus de 600 m de large à cette époque (cartes de Cassini). Ce premier ouvrage sur Cubzac a été en partie détruit en 1869 après une tempête mémorable. Les colonnes, ayant résisté à la tempête, ont été réutilisées pour le nouvel ouvrage après un travail de confortement. Il a vu le jour en 1883 soit 14 ans après la destruction du premier et trois ans avant le pont ferroviaire qui lui fera le pendant à quelques centaines de mètres. Ce dernier, imaginé par le bureau d’étude de Gustave Eiffel, a été construit à partir des techniques de poutres treillis. Sa structure, d’une longueur totale de 2178 mètres, est composée de pierre, fonte et acier assemblés telle une nef de cathédrale.
Dès le début du XXe siècle le béton armé puis le béton précontraint sous l’impulsion de François Hennebique, Albert Caquot et Eugène Freyssinet, ont supplanté le bois, la pierre, le fer et l’acier dans les ouvrages d’art.
De nos jours, des volcans d’Auvergne où elle prend sa source jusqu’à son exutoire dans l’estuaire de la Gironde, les ponts de la Dordogne représentent 139 ouvrages, aussi importants les uns que les autres et chacun avec son histoire souvent particulière.