Les dessous de l’image
Par Hervé Sentucq>
La recette du mascaret ? Prenez l’estuaire large de la Gironde qui se rétrécit en entonnoir afin de concentrer la force de la marée. Ses eaux montantes pénètrent alors dans l’intérieur des terres et viennent se heurter aux courants descendants des rivières (Garonne et Dordogne). Les eaux lisses, soudain, se transforment en train de vagues, analogues à la houle, inlassablement, deux fois par jour, depuis la nuit des temps. A Saint-Pardon, les jours de fort coefficient (plus de 100), en raison des fonds peu profonds et de cette longue ligne droite qui fait suite à des virages, l’onde de marée s’emballe et prend des allures de déferlante. La rivière gesticule comme une mer agitée, ses eaux tourbillonnant et s’écrasant avec force sur les berges. Ces impressionnantes et inhabituelles vagues de rivière se déplace à environ 15km/h en atteignant parfois 1,50 mètre de haut.
On avoisine les 200 embarcations sur l’eau : surf, kayaks, paddle, pirogue… Par rapport au surf sur l’océan, les vagues avancent plus vite et latéralement, l’idée est d’aller le plus loin possible en se maintenant fièrement sur la crête du mascaret. Sous peine de se retrouver pris à l’arrière dans des remous et des tourbillons incontrôlables… Sur Saint-Pardon, les surfeurs aguerris peuvent tenir 20 mn sur la vague, durant un kilomètre. Plus en amont, à Moulon on peut glisser le double de temps. La vague finit par perdre de sa vigueur, se brise et se transforme en une simple onde de marée.
Cet assemblage a été pris quelques heures après la super lune rouge. J’étais venu repérer les deux jours précédents. Mais à chaque fois je me suis laissé surprendre par la vitesse de la vague. Je suis à 1/160e de seconde et pourtant je détecte un flou de bougé sur les surfeurs. L’avantage c’est que ça restitue un peu la notion de vitesse et ça permet de ne pas reconnaître les personnes 😉
Le pari fou car c’en est un (d’ailleurs je précise que si je ne m’en fait pas un minimum tous les 2 jours je m’ennuie), est d’avoir tenté une photo haute définition. Soit prendre 3 images à 1s d’intervalle. Vu la vitesse de la vague et sa déformation permanente, il ne fallait pas espérer un miracle du logiciel d’assemblage, la fonction ‘remonter le temps’ n’ayant pas encore été développée. J’ai donc pris l’image centrale comme référence. Pour les images de gauche et de droite j’ai sélectionné les zones de rivière et les ai déplacé latéralement de façon à ramener les trains de vagues sensiblement au même niveau que sur l’image de référence. La logiciel a fait le reste. Et je me suis ensuite occupé des imperfections de raccordements. 2h seulement pour la manip ‘assemblage parfait’, franchement je m’attendais à bien pire.
En zoomant, c’est rigolo de voir toutes les attitudes possibles sur la vague : décontracté, à fond, papotant, regardant les autres…
Ce phénomène naturel, unique en France, reste assez peu connu. Pourtant, quel spectacle insolite et phénoménal !