Les dessous de l’image
Par Hervé Sentucq
Nouvelle mission : Illustrer l’unité paysagère s’étendant de Castillon au pont de Cubzac.
Description : La vallée s’est fortement élargie, la rivière dessine de larges méandres dans des terres basses et planes. Les rangs de ceps de vigne dévalent les pentes des coteaux.
Pour cette partie je vais explorer en long et en large le « jardin secret des Bordeaux », à savoir des côtes de Fronsac aux portes de Libourne. Plusieurs images à la clef dont voici la première que j’apprécie pour sa composition tout en enroulée, où le mitage, cet éparpillement de maisons devenue presque une norme, est bien contenu. Une belle perspective étagée, une invitation à survoler les parcelles avant de poser son regard en douceur sur la piste d’atterrissage de pelouse à droite. Harmonie, douceur et volupté.
Techniquement cette image est moins simple qu’il n’y parait. Lumière du petit matin diffusée par l’humidité apportée par la Dordogne. En plein milieu de journée, même par très grand beau temps, il m’est arrivé de voir une bande de nuages épaisse sur les 4-5 km bordant la rivière. Mais le but n’est pas d’aborder le cycle de l’eau… donc ce matin là, comme presque tous les autres matins en cette période de fin septembre – début octobre, je constate que je vais devoir composer avec un voile brumeux diffusant la lumière et réduisant le contraste des lointains (sur la moitié haute de l’image exactement). Et en post-traitement, à la manière d’un peintre expressionniste, j’accentuerai ensuite les nuances de contrastes des teintes et des tons sur chaque partie de l’image, ceci pour créer de la profondeur et conduire l’œil.
Comme toujours notre super pouvoir visuel s’accommode très bien de ce voile en situation, il adapte sa gestion de l’information à l’espace réduit tour à tour balayé. Je décrirai le regard (perçant) comme un long travelling dans une lucarne réduite. Contrairement à la vision périphérique qui englobe tout l’espace devant soi mais avec peu de définition. Peu et précis ou large et imprécis. Le genre de dilemme comme le principe d’incertitude d’Heisenberg en mécanique quantique (plus on est précis sur la vitesse d’une particule moins on l’est sur sa position) ou bien en musique où plus un son est bref et plus il va contenir de fréquences (et inversement si l’on veut un son avec peu ou une seule fréquence il devra être long). Mais là on s’égare, on part dans les choux.
Pour en revenir à nos ceps, tout est encore bien vert, en zoomant dans mes images je trouve bien des vendangeurs mais du rouge je n’en vois pas (le rouge des feuilles bien sûr). Il se dégage ainsi de cette composition une sensation de fraicheur et de lumière. La vallée de la Dordogne reste pour beaucoup associée à cette couleur verte vibrante.