Les dessous de l’image
Par Hervé Sentucq
Étant chaud bouillant, je continue avec les images primordiales de mon inventaire photographique
Mission du jour : Illustrer les gorges empruntées par la Dordogne après les stations thermales du Mont-Dore et de la Bourboule
Description : Peu visible depuis les plateaux campagnards, la rivière emprunte une entaille profonde creusée dans le granit dont les pentes sont recouvertes d’une épaisse couverture forestière.
Vous vous dites en regardant cette image : chaleureuse et lumineuse ? Vous allez être très surpris.
Conséquence immédiate, toute vue large sera sans grand intérêt. Il me faut arpenter le lit du cours d’eau en quête d’une ambiance féerique. Pour des raisons de contraste (dans un sous-bois encaissé les différences de lumières sont ingérables) j’opte pour une journée couverte et humide, bien mal m’en pris. Les premiers repérages se font ainsi en répétant inlassablement le salut australien (chassé gauche-droite de la main pour éloigner les taons). Je découvre quelques ruisseaux se jetant dans la Dordogne dont les derniers mètres sont bordés par des plantes aux immenses feuilles. Cette rencontre me siérait bien. Je découvre 2-3 sites potentiels mais à chaque fois un arbre tombé vient tout gâcher. Je rentre piteux, énervé comme un ratel (pour en savoir plus sur cet animal attachant qui mérite d’être connu par tous voir le lien ci-dessous). Les taons, ces abominations de la création, que seuls les ratels… non ça vous comprendrez après avoir visité le lien. Donc disais-je, après une journée à patauger dans l’eau et à déraper sur les pierres glissantes tout en tenant tout mon barda photo et en saluant à tout va… je rentre manger sur une table du parking avec pour seule compagnie les taons que je salue au passage…
Bouleversé par tant de rencontres je ne me vois pas revenir de si tôt. Mon équipe, inquiète, crée un bataillon de 2 hommes pour continuer les repérages à la fin de l’été, en restant sur un chemin dégagé permettant de voir arriver l’ennemi de loin, et le plus important en milieu de journée par une forte chaleur. Il repère justement le tronçon suivant que je devais explorer. Épargnés par les conflits ils ressortent sains d’esprit et porteurs d’un message confiant : « Ici ça ferait l’affaire ».
Il me faut quelques semaines pour retrouver l’énergie de me battre. Je rassemble mes idées. Depuis le départ le concept est le suivant. Une photo de nuit sans aucun vent en éclairant la végétation avec ma lampe torche. Et oui, cette photo a été prise de nuit, je ne voyais même pas mes pieds, j’avais ma lampe frontale vissée sur la tête, une lampe torche à la main, une autre avec ma télécommande infrarouge, et une dernière qui me manquait pour faire le salut australien… 30s à 800 ISO et en rehaussant un peu les teintes avec mes lampes. Très peu sur cette image. C’est en fait sur la seconde série d’images prise 4 minutes plus tard que mes lampes deviennent la principale sources de lumière pour la scène. Étonnant ?
Petit retour en arrière, 1h plus tôt je découvre enfin ce site prometteur, avec un beau lit de rivière, quelques pierres dans l’eau, quelques teintes automnales, un bel arbre, un point de fuite pour la rivière avec une trouée dans les frondaisons dans l’axe où le soleil s’est couché. Aucun vent, comme j’en rêvais et comme l’apprécie tout insecte piqueur… J’attends la nuit pour que les contrastes soient minimum. Le soleil couché, plus aucune cime d’arbre éclairée. Tout finit par se « moyenner ». La pose longue ajoute une touche soyeuse à la rivière. J’observe mes images sur l’écran de mon appareil photo et me dit à mon tour : « ça le fait ».
La nuit qui suit cette séance est agitée, je me retourne souvent dans mon lit. Le matin j’ai été changé en dalmatien.. je suis recouvert de points rouges relativement également espacés. 8 jours plus tard, quand je traite cette image, je peux encore les voir, ils ne sont pas encore tous partis. Deux raisons de me souvenir de ce moment… A relativiser par rapport aux ratels…
Un conseil, si vous visitez ces lieux par ailleurs délicieusement charmants, optez pour le milieu de journée, loin d’un pâturage, avec un peu de vent.
Le problème des contrastes en journée :
Tout, tout, tout, vous saurez tout sur le ratel