Les dessous de l’image
Par Hervé Sentucq
La photo est faite de réflexion, d’essais, d’échecs, de corrections et de temps, beaucoup de temps. Et sous-jacent le plaisir de se mesurer aux défis les plus fous. Voici à quoi ressemble le travail d’une photo. Pour Sainte-Foy j’ai d’abord tenté la lumière du soir. Je suis resté pour l’aube, suis revenu vers midi puis à deux moments de l’après-midi. A chaque fois l’impression d’être devant un beau panorama de carte postale, de ceux qui épataient la galerie 20 ou 30 ans en arrière mais auxquels on ne fait plus attention aujourd’hui. J’ai cherché un éclairage qui conviendrait pour les deux rives, j’ai guetté longuement les nuages et leur reflet dans l’eau. J’ai attendu le passage d’un bateau. Des dizaines de moments saisis en espérant à chaque fois avoir perfectionné le cadrage et l’harmonie de l’ensemble, et capté un peu plus l’esprit des lieux.
Plus tard devant mon ordinateur commence l’étude comparée de tous ces moments. Longues observations. Assemblages en mode brouillon en essayant plusieurs réglages par pano. Des heures et des heures juste pour isoler 5-6 images de matière première. Dans le cas étudié j’ai fini par porter mon attention sur les images prises à l’aube. Un méga contraste qui nécessite plusieurs développements de chaque image, des heures d’essais pour trouver les meilleurs réglages. Ensuite se demander jusqu’où déboucher la végétation ou assombrir le ciel… Un sacré dilemme en post-traitement, encore des heures de peaufinages !
Petit aparté technique : La dynamique représente l’intervalle entre la lumière la plus sombre et la lumière la plus lumineuse qu’il est possible de distinguer. Un capteur actuel va jusqu’à environ 14 IL (rapport de 1 pour 16.000) entre le plus clair et le plus sombre qu’il puisse enregistrer. L’œil peut s’adapter à une lumière allant de 1 pour 10 millions, plus de 26 IL ! Sacré pouvoir d’accommodation. Attention l’œil ne peut pas distinguer à la fois les ombres et les lumières vives, il s’adapte en permanence aux conditions lumineuses, à la manière d’un appareil photo dont on règle l’ouverture.
J’ai donc traité cette image de façon à produire la fusion des adaptations de notre œil lorsqu’il balaie chaque partie de l’image (si vous me suivez 🙂 )
Et le décompte de temps donne au final : conception de l’image de chez moi (1h pour celle-ci, pour certaines je mets des journées), prise de vue sur place (1 journée bout à bout), tri et traitement (une quinzaine d’heures et mes yeux ne me remercient pas) soit au total 2 jours et demi sur cette composition (et mes journées font 16h ;-). Que le résultat soit heureux ou pas, une image prend plusieurs journées en moyenne. La répartition de temps passé sur chaque poste varie grandement d’une image à une autre. Mais pour le total vous avez maintenant une vague idée 😉