Les dessous de l’image
Par Hervé Sentucq
L’aube est un moment privilégié. Souvent seul devant le spectacle du jour naissant, « ce premier jour du reste de notre vie ». Moment où l’on remet à jour certains repères de son existence en y laissant sortir tout ce qu’elle contient de stupidité.
Depuis les hauteurs du cimetière de la forteresse de Beynac, j’observais le flux et le reflux de la houle de la brume pendant que je peaufinais ma composition. Faire ressortir le château en le posant dans le ciel, le regard allant vers le haut, donner à comprendre que la place forte surplombe la vallée, hors du temps. Inclure au premier plan la belle texture des pierres des maisons hautes du village, un petit peu de vert pour égayer…
J’ai finalement retenu un moment où la brume « reprenait son souffle » tout en restant présente tout autour de la scène. La colline boisée à gauche apparaissait pour quelques secondes. Il ne restait que quelques lambeaux de vapeur devant le château. Pendant ce repli passager, le contraste du décor était amélioré, l’impression était plus mystérieuse qu’inquiétante… Une belle photo est un équilibre, un jeu entre l’attendu et l’inattendu. Pour qu’elle donne du plaisir elle ne doit sembler ni rengaine ni prévisible. Mais elle ne doit pas non plus renvoyer la sensation de chaos, qui provoquerait de l’insatisfaction par la perte trop importante de nos repères.