Les dessous de l’image
Par Hervé Sentucq
Dans le cadre de ma mission, il me faut trouver au moins une vue majeure par unités paysagères. Pour le secteur allant de Cazoulès à Groléjac mes repérages sur internet furent laborieux et mes « déplacements » virtuels sur les routes via google maps ne m’apportèrent que fatigue des yeux. Et c’est finalement en consultant un site anglais traitant de la résistance aux nazis dans des grottes (on s’égare facilement sur la toile 😉 ) que je suis tombé sur cette description :
« Le sentier nous amena en spirale au sommet de ce qui se révélait être une colline conique. Les forêts denses nous avaient empêché de voir à travers jusqu’à ce que nous soyons proche du sommet qui offrait une minuscule mais spectaculaire ouverture entre les arbres. Au bord d’un affleurement, devant nous, des kilomètres de la vallée de la Dordogne. La rivière serpentant vers l’est, 150 mètres en-dessous de nous, et le Château Rouffillac assis sur son perchoir, bien droit au-dessus du vide, au-dessus de la route. »
(traduction maison)
C’est peu dire que j’en avais l’eau à la bouche. Une petite photo au format carré illustrant l’article finit par me convaincre que je tenais là ma vue large de cette zone géographique. Qui plus est avec un horizon dégagé à l’est, soit l’idéal pour un contre-jour au lever de soleil. Le fantasme total pour un photographe !
J’ai donc tenté 2 fois en avril, 2 fois en mai cette très raide montée menant à cette lucarne magique. Les prévisions météo pouvant ne pas être fiables localement, j’ai donc eu tour à tour un ciel voilé, puis une mer de nuages ne se dissipant pas avant 11h, puis un ciel couvert, puis de nouveau une mer de nuages. A chaque fois un lever vers 5h00 du matin pour être sur place une demi heure avant le lever. Être à l’aube au dessus d’une mer de nuage est toutefois un moment magique de l’existence. 6h15 le soleil pointe à l’horizon. 6h40 c’est le moment ou ses rayons irradient les nuages de l’intérieur (effet d’embrasement). 7h00 je tombe de fatigue et je tente d’enchainer des micro-siestes de 5 minutes jusqu’à ce que la brume se dissipe (misère !). 8h50 le brouillard commencé à se disloquer, d’abord au pied de la colline puis progressivement il se retire en direction de l’est. Je capte toutes les phases de ce repli afin de mixer le tout plus tard. Car en mixant c’est quelquefois plus digeste… me dis-je dans un état semi-zombique. La brume s’étant dissipée assez tôt (enfin…) j’ai bonne espoir de détenir une ambiance originale.
Au final, le panorama sera composé de 6 photos verticales. L’ambiance est celle observée peu de de temps avant la dissipation totale (meilleur effet visuel au final et possibilité de reconnaître le paysage). Chacune des 6 photos est la fusion de 3 moments différents du spectacle. Pour chaque photo retenue (une vingtaine donc) 3 expositions différentes à chaque fois du fait du très fort contraste de la scène. J’ai également photographié séparément la rivière qui renvoyait 10 fois plus (trop…) de lumière que le reste du paysage (total miroir). Avec toute cette matière on atteint les 300 clichés et on peut s’amuser plus de 2 jours devant son ordinateur. Le résultat obtenu est « fidèle » à mon souvenir de ce moment passé « au-dessus des nuages ».